Poste aux Armées

Il ne s’agit pas ici de présenter les opérations qui se sont déroulées entre 1796 et 1814 mais de rappeler, de manière synthétique, les règles générales de fonctionnement de la poste aux armées.

L’activation des liaisons postales successives pour relier les troupes françaises, opérant ou stationnées en Italie, à leur mère-patrie est éventuellement abordée dans les chapitres précédents.

.

1. Taxation et affranchissement des correspondances

……….1.1. Aménagement tarifaire pour les lettres en port dû 

……….1.2. Incitation à l’affranchissement des correspondances destinées aux armées  

……….1.3. Le sort des lettres refusées 

2. Structure de la Poste aux Armées


.

1.

TAXATION & AFFRANCHISSEMENT 

DES CORRESPONDANCES


.

1.1. Aménagement tarifaire pour les lettres en port dû

.

Le 27 juin 1792, quelques semaines avant sa destitution, Louis XVI promulguait le décret de l’Assemblée nationale adopté quatre jours plus tôt : il s’agissait d’établir un tarif préférentiel pour les correspondances adressées aux soldats et aux officiers combattant en territoire étranger. La guerre déclenchée au printemps contre l’Autriche et les Etats coalisés porterait bientôt les armées de la République en Belgique, en Allemagne, ainsi qu’en Italie…

Le principe de base, on le voit ci-dessus, consistait à ne faire payer que le port sur le territoire français, c’est à dire entre le bureau de poste de l’expéditeur et le bureau frontalier qui confiait les correspondances à la Poste aux armées : cette dernière acheminait alors le courrier jusqu’au régiment du destinataire. 

Le 29 octobre 1792, une circulaire de l’Administration générale des postes complétait cette disposition en instituant la réciproque pour le courrier des militaires adressé en France. Dans les deux cas, le coût de l’acheminement en territoire étranger était à la charge de la Direction générale des postes de Paris et du ministère de la guerre. 

Dernière précision, une circulaire d’application de la loi en date du 3 fructidor an 8 [21 août 1800] fixait les bureaux d’échange, entre poste civile et poste aux armées, à Chambéry et à Nice en ce qui concerne l’Armée d’Italie.

L’extension de la République puis de l’Empire amenèrent à définir de nouveaux bureaux d’échange, les circulaires restent à trouver. Sans doute s’est-il agi de Verceil et de Voghère, pour les dépêches parvenant par Milan, après l’annexion du Piémont. Si des dépêches militaires ont aussi emprunté la route du courrier civil de Rome, il a vraisemblablement été désigné de nouveaux bureaux dans les départements créés sur les ex-Etats de Parme et Plaisance ainsi que du royaume d’Etrurie et des Etats romains.

Lettre rédigée et postée à Milan le 14 brumaire an 7 (novembre 1798) : elle est frappée du timbre ARM. D’ITALIE et taxée pour 10 sous.

Lettre rédigée et postée à Raguse (Dalmatie) le 25 août 1806 : elle est timbrée ARM. D’ITALIE 19me Don et taxée 8 décimes


1.2. Incitation à l’affranchissement 

des correspondances adressées aux armées

.

Ces premières dispositions, prises dès 1792, avaient été complétées par l’article 13 de la loi du 5 nivôse an 5 [25 décembre 1796] : pour inciter les civils à écrire aux militaires en payant le port par anticipation, un nouveau tarif de 3 sous (soit 15 centimes, ou un décime et demi) fut institué, quelle que soit la distance à parcourir par la missive (d’un poids inférieur à une demi-once puis 6 grammes).

L’Administration des postes s’était en effet rapidement aperçu de la difficulté à faire parfois payer la taxe des lettres expédiées aux militaires en port dû: troupes en mouvement et difficilement localisables, soldats blessés et envoyés à l’hôpital, voire disparus ou tués. Sans compter les militaires désargentés qui ne pouvaient ou voulaient s’acquitter d’une taxe postale. Autant de lettres qui restaient en attente de paiement et de livraison !

Lettre écrite à Annecy le 12 août 1801 et adressée à un capitaine en garnison à Turin.L’expéditeur s’est acquitté de 3 sous, confirmés par le chiffre au verso et le timbre de Port Payé du bureau.

.

Lettre écrite à Grenoble le 28 mai 1808 par le directeur des fortifications par interim à son prédécesseur qui vient d’être envoyé à Naples, elle est affranchie pour 15 centimes. Il s’agit de la réponse à une missive écrite à Naples le 26 avril précédent et reçue à Grenoble le 24 mai seulement. On retrouve le destinataire de notre lettre, le colonel Dabon, à différentes affectations en consultant l’Almanach impérial. Exemples ci-dessous avec les éditions 1804, 1807 et 1809 : Turin, Grenoble, Corfou

.

Très régulièrement, l’administration des Postes sera amenée, dans ses Délibérations, à préciser le champ d’application de cette réduction de taxe pour les lettres en port payé. Trois exemples ci-dessous datés des 2 messidor an 11 [AN/F90/20033], 10 thermidor an 11 et 14 vendémiaire an 12 [AN/F90/20034] :

Le décret du 9 février 1810 introduit cependant deux modifications majeures : le tarif passe de 15 à 25 centimes, et il est désormais réservé aux correspondances adressées aux seuls soldats et sous-officiers.

Instruction sur la partie administrative du service des postes militaires, page 21  >

Lettre rédigée à Verdun le 21 décembre 1810 et adressée à un gendarme cantonné à Florence, port payé de 25 centimes.



.

1.3. Le sort des lettres refusées

.

Il est des circonstances où les lettres en port dû semblent mal venues : c’est lorsqu’elles sont adressées à une autorité qui bénéficie de la franchise dans le cadre des ses échanges de service ou qui rechigne à payer le port d’une lettre que son contenu ne justifie pas, ou dont l’objet lui est inconnu.

C’est le cas du pli ci-contre, expédié sous bande et dont seule cette dernière a été conservée. On peut y lire  Refusée à cause de la taxe. Pour le général de division, et par son ordre, le chef d’état-major + signature. 

Le bureau de destination, Grenoble en l’occurence, a frappé le pli de son timbre Déboursé et ainsi fait décharger sa comptabilité du montant de l’affranchissement qui aurait dû être perçu.

Un cas de figure a priori comparable se rencontre avec la lettre ci-dessous : la missive est écrite à Strasbourg le 16 fructidor an 9 [3 septembre 1801] et adressée au Conseil d’administration de la 78° demi brigade ( = régiment ) de ligne en Piémont à Turin

Les expéditeurs sont MM. Pistorius et David, fournisseurs aux armées, qui proposent leurs services puisque la règlementation permet désormais aux régiments de commander eux-mêmes et directement leurs petites fournitures. 

Elle est taxée à 8 décimes payables en arrivée, soit la distance 601 à 800 km du tarif applicable au 1er vendémiaire an 9. Le bureau départemental de Turin n’existe pas encore (il est créé le mois suivant), les troupes du secteur sont desservies par le bureau de la Poste aux armées n°2 :

On note ainsi en bas à gauche la mention Refusée… mais un trait horizontal semble ensuite raturer le mot : le conseil a dû se raviser et accepter la lettre. Si tel n’avait pas été le cas, il y aurait une marque de déboursé… en principe. (le verso du pli est vierge de toute marque postale).

Pour autant, cette troisième missive [Cliché R. Fecher] postée auprès du bureau de la Poste aux armées n°5, et adressée à Turin en mai 1801, n’illustre pas la procédure règlementaire attendue : là aussi, au verso la mention Refusée… mais sans la marque de déboursé que préconise l’Instruction générale sur le service des postes de 1792 et que reprendra l’IGP de 1808 :

En tout état de cause, les sollicitations diverses et variées que pouvaient recevoir les conseils d’administration, chargés de la gestion quotidienne des régiments, conduisirent certains d’entre-eux à annoncer qu’ils n’accepteraient plus les lettres en port dû. 

.

En témoigne cet entrefilet publié dans l’édition du 16 septembre 1800 du journal La Clef du cabinet des souverains  >

A fortiori parce que les expéditeurs de missives pour les conseils d’administrations des régiments ne pouvaient pas affranchir leurs lettres pour seulement 15 centimes. Cette mise au point est l’objet d’une délibération du Conseil des Postes prise le 13 ventose an 11 [AN/F90/20033] :

Dans certains cas cependant, ils ont manifestement recours à la procédure de demande de modération de taxe. Deux exemples de délibérations du 10 ventôse [AN/F90/20035] et du 18 prairial an 13 [AN/F90/20036]: