États romains

1. Cadre historique  

2. Les relations postales avant l’annexion à la France   

…………..2.1. Le bureau français de Rome

…………..2.2. Évolution tarifaire et timbrage

…………..2.3. Joseph-Antoine Moltedo, directeur des postes de France

3. L’institution de la poste française dans les départements du Tibre et du Trasimène

……………3.1. 1809, année de transition

……………3.2. 1810, mise en place de la poste départementale



2.

LES RELATIONS POSTALES AVANT L’ANNEXION À LA FRANCE



2.1. Le bureau des Postes de France à Rome

Depuis le XVI° siècle, la France entretient, à l’image des autres puissances de l’époque, un bureau de poste dans la ville éternelle*. Celui-ci est relié au Royaume par un service de courriers français qui traversent la péninsule vers Lyon via Turin jusqu’en 1741 (guerre de Succession d’Autriche), date à laquelle le duc de Savoie interdit le passage du courrier de France par sa capitale. Un nouvel itinéraire est alors mis en place : à Gênes, le courrier et sa malle sont embarqués sur une felouque jusqu’à Antibes, poursuivant ensuite vers Lyon par Aix-en-Provence. En 1787, c’est dans cette dernière ville, et non plus à Lyon, qu’a lieu la remise des correspondances dans le réseau postal du Royaume. 

La liaison est hebdomadaire : huit courriers parcourent la route, chacun effectuant 6 voyages et demi par an, pour une rétribution de 160 £ l’aller et avec l’autorisation de transporter 40 livres de marchandises pour leur compte, à la condition expresse que cela ne retarde pas la marche du service.   

[* L’étude de référence reste celle d’Eugène Vaillé : “Les relations avec les Etats italiens”, in Histoire générale des Postes françaises, chapitre 1 du volume VI (deuxième partie : 1738-1789), Paris 1955]

Ce modeste trajet maritime n’était pas forcément de tout repos : tempêtes, corsaires ou navires des puissances ennemies pouvaient régulièrement conduire à la perte des correspondances transportées.

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Extraits d’un témoignage de traversée Gênes / Antibes à bord de la felouque du courrier de France, en 1768 .


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2.2. Timbrage et évolution tarifaire

Les taxes pesant sur les correspondances échangées entre le Royaume de France et son bureau de Rome sont déterminées par le tarif de 1759

Le tarif général établi en France par la loi du 27 frimaire an VIII, fondamental à bien des égards (les distances sont désormais calculées en kilomètres, le poids des missives fixé en grammes et la taxation exprimée en décimes), ne modifie pas les tarifs “étranger” hérités de 1759 : sa circulaire d’application du 3 fructidor [21 août 1800] précise cependant que la tarification en sous doit désormais être exprimée en décimes sur la suscription des lettres.

Lettre rédigée à Rome le 18 avril 1792, elle est taxée en arrivée à Paris, le 10 mai, pour 22 sous (14 sous la lettre livrée à Lyon + 8 sous pour la distance de Lyon à Paris).

Durant le premier semestre de 1792, la direction de Paris inscrit la taxe des lettres à l’encre rose.

Lettre double du 15 février 1802, livrée à Aix pour 26 sous, auxquels on rajoute 7 sous pour le parcours vers Marseille, soit un total de 33 sous

Transcrit en décimes désormais, cela donne 16,5 arrondis au décime supérieur : 17 donc. Le « D » permet d’attester de l’application de la norme en vigueur et d’ôter tout doute sur une éventuelle taxation erronée en sous.

On notera qu’à sa réouverture le bureau de France utilise le timbre ROME en vigueur lors de sa fermeture en 1793.

En avril 1802, ce timbre linéaire est remplacé par un plus original modèle circulaire portant la mention BUREAU FRANÇAIS / ROME. Le décret de fabrication n’est pas (encore) connu, ce sont les dates relevées par les études réalisées chez nos voisins transalpins qui permettent d’en délimiter la période d’utilisation [Mario Gallenga, 1980]. Celle-ci s’étend jusqu’en décembre 1809, veille de la création des postes départementales françaises à Rome.

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Merci à Pietro Giribone de nous avoir communiqué les photographies d’un timbre original du BF de Rome aujourd’hui en sa possession.

Il faut attendre le décret impérial du 19 septembre 1806 , publié dans l’édition du 23 septembre du Moniteur universel, pour voir la tarification vers Rome être précisée et tenir compte de la nouvelle étendue du territoire français. Ci-dessous, la teneur des 5 premiers articles : départements ou villes françaises concernés / taxe payable pour une lettre livrée à Rome / taxe due pour une lettre provenant de Rome : 

Lettre rédigée à Rome le 23 décembre 1809 et adressée à Paris où elle est taxée en arrivée pour 14 décimes conformément au § 5 du décret de 1806.

Il s’agit du dernier jour d’utilisation connu du cachet circulaire BUREAU FRANÇAIS / ROME.

Lettre en port dû rédigée le 9 mai 1809 à Rome et adressée à Gênes, département homonyme compris dans la 28° Division Militaire.

Taxée pour 6 décimes conformément au §2 du décret de 1806. Le bureau de Gênes a apposé son timbre d’entrée.

L’application de ce nouveau tarif est effectivement accompagnée de la mise en service de 9 timbres d’entrée dont la fabrication a été ordonnée par une délibération du Conseil des postes en date du 10 octobre 1806 :

ROME PAR…

SARZANNE, GÊNES, PIOMBINO, PORTO-FERRAJO, ALEXANDRIE, TURIN, NICE, AIX et LYON

AN/F90/20037

Le tarif de 1806 restera en application jusqu’au 31 décembre 1809, veille de la date de création des postes départementales dans les Etats romains désormais annexés à la France. 


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2.3. Joseph-Antoine Moltedo, 

directeur des Postes de France à Rome

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Fermé à l’été 1793, le bureau des Postes de France n’est rétabli qu’après la délibération du Conseil des Postes du 9 prairial an IX [29 mai 1801, AN/F90/20031].

Le titulaire de la direction en est Joseph-Antoine Moltedo, nommé une première fois à cette fonction au cours de la séance du Directoire du 6 messidor an V [24 juin 1797]. 

Cette nomination est due à l’impulsion de son oncle, encore membre du Conseil des Cinq-cents à cette date (ci-contre la notice biographique extraite du Dictionnaire de la Révolution de Joseph Décembre, tome 2, 1866). 

Les événements politiques et militaires ne permirent cependant pas, on l’a dit, la réouverture du bureau de Rome avant 1801.

Délibération du Conseil des Postes du 17 messidor an X [6 juillet 1802] requérant le cautionnement du directeur des postes de France à Rome [AN/F90/2003]. Le 29 thermidor suivant, son montant est fixé à 8.000 francs [ibidem, folio  189].

Joseph-Antoine semble mener une vie bien remplie. À côté de ses obligations professionnelles, il gère de multiples affaires personnelles : il possède une mine de plomb à Tivoli, se lance dans l’import-export et mène même des opérations bancaires… Et il trouve encore le temps de s’adonner à la mécanique : on lui attribue la mise au point d’une machine à filer le lin ! 

Il ne doit par ailleurs pas être considéré comme un fonctionnaire français expatrié car il est en terrain relativement connu : il parle italien, a de la famille en Toscane (un oncle receveur des Droits réunis à Sienne et un frère étudiant à Pise), et la longueur de son séjour explique qu’il ait tissé de multiples liens de sociabilité. On se reportera à l’étude parue dans les Documents philatéliques du 15.01.2022.

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Joseph-Antoine Moltedo peint par Ingres en 1810. L’artiste est à cette date pensionnaire de la Villa Médicis.

La réouverture du bureau est aussi un signe – trompeur – de l’apaisement des relations entre le Saint-Siège et la République française : sa façade arbore également les armes pontificales…

Délibération du Conseil des Postes, 12 frimaire an XI [AN/F90/20033] :

et les correspondances adressées au pape continuent à être délivrés détaxées.

Délibération du Conseil des Postes, 24 thermidor an IX [AN/F90/20031] :

L’année 1808 est marquée par le transfert* du bureau des Postes de France, des locaux de l’ambassade vers le Palazzo Firenze occupé jusque-là par les postes de Toscane à Rome.  [* R. de Fontaines retranscrit une pièce comptable en date du 8 juin 1808, DP n° 81, page 133]

Le palais de Florence est numéroté 28 sur ce plan de Rome réalisé en 1804 (BnF – Gallica).

Le prestige du bâtiment est sans doute un des éléments qui concourent à expliquer le fin sourire qu’arbore Moltedo sur le tableau réalisé par Ingres… Il abrite aujourd’hui les locaux de la Société Dante Alighieri, institution culturelle chargée de la promotion de la langue italienne à l’étranger :

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Lettre du commissaire général Blanc, chargé des relations commerciales de France à Naples. Elle est rédigée le 8 août 1806, confiée aux postes napolitaines (timbre NAPOLI faiblement frappé en rouge) et délivrée en franchise à notre directeur des Postes de France.

Lettre rédigée par Joseph-Antoine Moltedo le 26 janvier 1811, à cette date il occupe la fonction d’inspecteur des Postes du département de Rome. Elle est adressée à son frère cadet, et il en requiert (abusivement) l’acheminement en franchise : croix de saint André et mention Recom(mandé)e à ses confrères / Multedo.